Voyage sur les terres brûlées de la colère
Je me sens rarement en colère. Je veux dire, vraiment en colère. Bien sûr, j’ai pleins de zones d’agacement et d’achoppement, comme tout le monde. Mais la vraie colère, celle qui crispe les mâchoires et nous fait serrer des poings, je la ressens rarement dans mon corps.
Récemment, j’ai eu l’occasion de bien l’expérimenter ;) Une colère qui envahit tout le corps et dont je n’ai pas trop su quoi faire à part faire des boucles internes (ruminations bonjour) et externes (merci les amies pour l’écoute de la purge).
Et déverser sa colère sur la personne qui en est le sujet.
Partir courir. Courir vite pour évacuer.
Puis regretter de m'être emportée, car ce n’est pas rendre honneur à la relation que de l’abandonner à la colère.
Enfin, comprendre, que le problème n’est pas la personne mais le besoin touché en moi. Alors chercher une solution apaisante pour soi et la relation.
Démêlage... :
1. CE QUE NOUS RACONTE LA COLÈRE
« Les émotions te donnent des nouvelles de toi-même » - Daniel Chernet -
La colère est une émotion de l’action. Une émotion vers l’avant : repousser ce qui ne nous convient pas. C’est un mouvement spontané pour poser ses limites, revendiquer sa place dans le monde, faire respecter ses besoins profonds.
La colère, c’est une sonnette d’alarme qui nous dit : une valeur en nous est touchée. Les choses devraient être autrement, la situation ne devrait pas être ainsi… (selon ma vision du monde).
Physiquement, la colère active notre énergie, elle accélère l’afflux sanguin ce qui nous donne davantage de force, et libère dans notre corps de l’adrénaline et du cortisol qui nous permettent de nous mettre en position d’attaque.
Chaque émotion a deux faces. Une face qui nous garde dans le mouvement, et une face qui nous amène dans l’immobilité. La colère c’est le côté pile, le côté dans lequel nous sommes dans le mouvement. L’indignation c’est le côté face, le côté qui nous laisse spectateur, qui éparpille notre énergie dans une zone où nous n’avons pas de pouvoir d’action (ou pas beaucoup). Car être indigné contre trop de combats nous amène à l’impuissance et au découragement. S’indigner peut être utile, mais il est alors salvateur de choisir un ou deux combats sur lesquels concentrer son énergie.
2. CE QUE CACHE LA COLÈRE
Les principaux besoins cachés derrière la colère sont la reconnaissance, le respect, la liberté, la considération.
Dans la colère, soit je blâme l’autre, soit je me blâme moi-même, soit je blâme la situation.
Quand je considère l’autre comme cause de ma colère, alors toute mon énergie de d’attaque se dirige vers ce seul sujet. Évidemment, quelqu’un qui est attaqué, se défend, et c’est là que nous pouvons entrer dans les prémices d’un conflit.
Quand je me considère comme cause de ma colère, je dirige mon énergie contre moi avec autopunition et dénigrement. Ce qui n’est guère plus constructif que l’attaque envers l’autre.
"Lorsque donc quelqu'un te met en colère sache que c'est ton jugement qui te met en colère." - Épictète -
Alors que faire de cette colère, émotion utile et légitime ?
3. CE QUE NOUS POUVONS FAIRE DE LA COLÈRE
a. Quand nous vivons la colère
Sortir de la colère d’attaque, c’est traduire notre colère en besoin. Quel est le besoin qui est touché par l’acte de l’autre ? Mes besoins me donnent des nouvelles de moi-même plutôt que des jugements sur l’autre, ils sont donc bien plus constructifs que les arguments.
Pour entendre ses besoins, encore faut-il les écouter. S’arrêter au milieu de sa colère n’est pas chose facile. Prendre un temps de recul, de silence, laisser le sable se redéposer au fond de l’eau, est essentiel pour trouver une utilisation positive de sa colère. C’est donc la première chose avec sa colère : prendre le temps d’identifier les besoins touchés.
La colère a un impact physiologique très important comme nous l’avons dit plus haut. Le cortisol, hormone du stress, libéré par la colère ronge les neurones quand il est produit en trop grande quantité. Lorsque nous passons 1 minute en colère, notre système immunitaire met 1 heure pour évacuer totalement le cortisol dans notre corps. 10 minutes = 10 heures... !
Alors la gestion émotionnelle physiologique passe en grande partie par des activités de régulation émotionnelle : le sport défoulatoire est particulièrement aidant avec la colère (course à pied, boxe…). Ce peut être également des activités apaisantes (respiration, méditation…), ou captivantes (mandalas, sudoku...) en fonction de ce qui fonctionne le mieux sur nous-même.
Enfin, récupérer la responsabilité de son émotion est importante pour la relation.
Il a fait cet acte qui me met en colère. Mais ce n’est pas lui qui me met en colère.
Penser et dire :
« Je suis énervée » plutôt que « Tu m’énerves »
« Je suis sortie de mes gonds » plutôt que « Tu me fais sortir de mes gonds »
« Je suis en train de dégoupiller » plutôt que « Tu me rends folle »
Nous sommes seuls responsables de notre émotion.
b. Quand nous accompagnons un proche dans la colère
La première chose à faire, et avec toutes les émotions d’ailleurs, c’est accueillir l’autre dans son émotion et la légitimer. « Oui, tu as de quoi être en colère », « J’entends ta colère et je la comprends ».
Laisser de l’espace à l’autre pour extérioriser. Le laisser vider toute sa colère, comme une purge. Car tout ce qui n’est pas ex-primer, est im-primé.
Chercher trop vite des solutions est vain. Il faut laisser l’autre dérouler le fil de sa pelote, avant de pouvoir en tricoter un pull.
La deuxième chose qui peut être faite est de l’aider à transformer le « il devrait » ou « il ne devrait pas » en « j’ai besoin de » …. besoins/aspirations/valeurs.
« Il aurait dû citer mon nom dans ce projet », se traduirait ainsi en « J’ai besoin de considération et de reconnaissance pour le travail que j’ai mené ».
« Il devrait arrêter de me couper systématiquement la parole », se traduirait ainsi en « J’ai besoin d'écoute attentive quand je parle ».
Vous pouvez aider l'autre à faire cela en lui posant par exemple la question : « En quoi cette situation te touche autant ? », « Quel est le besoin qui n’est pas nourrit en toi ? », « Quelle valeur semble attaquée pour toi dans ce qu’il s’est passé ? »
La colère s’appuie beaucoup sur les interprétations faites d’une situation ou d’un acte. C’est là qu’en tant que tierce personne vous pouvez aider la personne en colère à voir la situation sous un nouvel angle. Élargir ses perceptions pour sortir des ruminations. Prendre de la hauteur, remettre en perspective, s'envoler dans la montgolfière. Car ce que je pense, juge, interprète, nourrit mes émotions positivement ou négativement.
Enfin, vous pouvez accompagner l’autre à orienter sa colère de manière positive dans la relation : utiliser la méthode DESC (Décrire, Exprimer, Suggérer, Conclure) ou OSBD (Observation, Sentiment, Besoin, Demande) par exemple pour co-créer une solution de résolution de tension.
c. Quand la colère se présente en entreprise
Les émotions ne s'arrêtent pas à la porte de l'entreprise. Les émotions sont relationnelles et font partie intégrante de la vie d'un collaborateur/manager. (article sur la tristesse ici)
En tant que manager, créer un espace émotionnel sécurisé est essentiel pour que toutes les émotions puissent s'exprimer et être une matière de croissance, de confiance et de collaboration pour l'équipe. Normalisez l'expression de toutes les émotions, partagez les vôtres avec authenticité et vulnérabilité, écoutez profondément et connectez-vous à votre empathie. Un endroit en vous connait forcément ce que la personne est en train d’exprimer.
Une fois l'émotion accueillie, vous pouvez accompagner votre collaborateur en colère à se remettre dans la zone sur laquelle il a du contrôle par rapport à cet objet de colère :
- La zone de contrôle : j’ai 100% de pouvoir d’action pour faire bouger les choses – Y a plus qu’à !
- La zone d’influence : j’ai une partie de pouvoir d’action pour influencer les choses – cherchons les leviers d’influence.
- La zone de préoccupation : je n’ai aucun contrôle sur ce qui est en train de se passer – let it go ! (Cette zone est aussi appelée la zone des 5C : C’est Con mais C’est Comme Ça).
Enfin, si vous êtes l’objet de la colère de la personne en face, laissez la personne aller au bout de l’expression de sa colère, avant de répondre. Reconnaissez vos torts si vous en avez (les bonnes pratiques pour une excuse efficace c’est ici) et donnez de la considération à ses besoins profonds. Une fois que la personne aura vidé sa colère, amenez là tranquillement dans une construction de solution positive.
Écoutez pour comprendre et non pas pour répondre. Cherchez la connexion relationnelle plutôt que d’avoir raison. C’est finalement souvent ce qui apaise : la connexion ❤️
La colère est une émotion d’énergie très utile, qui peut permettre de faire avancer les choses. Encore faut-il pouvoir l’utiliser du côté de la vie, de la co-création et de la liberté plutôt que de la rancœur et du ressentiment.
La colère prend soin de nous en nous disant : fait respecter tes besoins profonds.
Respectez-vous tout en respectant l’autre.
Et s’il n’y a rien que vous puissiez faire, alors exprimer... puis let it go ;)
- Camille Lamouille -
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Pour aller plus loin :
Daniel Chernet, "Colère et indignation" : https://daniel-chernet.fr/colere-et-indignation/
Daniel Chernet, Coacher les émotions, ed. Eyrolles, 2016
Apprentie girafe, "Transmutation de la colère" : https://apprentie-girafe.com/transmutation-de-la-colere/
Art-Mella, BD, Émotions : enquête et mode d'emploi, Tomes 1, 2 et 3, 2019
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