L’art de l’excuse
“Sorry seems to be the hardest word” - Elton John -
“Errare humanum est”, L’erreur est humaine dit le proverbe. L’homme est un être faillible, fragile, vulnérable, complexe, contradictoire, illogique, sensible. Oui, l’erreur est humaine. Mais lorsque l’erreur blesse l’autre, l’erreur est-elle excusable du simple fait qu’elle soit humaine ?
Nous faisons tous des erreurs. Nous avons tous déjà blessé quelqu’un, involontairement ou volontairement. Souvent l’impact de nos actions sur l’autre n’était pas celui que nous avions intentionné. Mais en matière d’erreur : l’impact importe plus que l’intention.
Avez-vous déjà reçu des excuses qui du simple fait d’avoir été prononcées effacent ou soulagent une douleur profonde en vous ? C’est ce qu’il m’est arrivé il y a quelques semaines d'une personne qui m'est chère et qui inspire cet article du mois.
Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs écrivait Marshall Rosenberg. Il est toujours utile de s’excuser. Même si nous considérons que la colère ou la tristesse de l’autre est injustifiée, exagérée, inappropriée ou encore que nous soyons convaincus d’avoir de bonnes raisons d’avoir agi comme tel. Nous ne réparons pas une fissure en l’ignorant. Nous réparons une fissure en nous excusant, et de la bonne manière. L’excuse a le pouvoir magique de réparer la fissure chez celui qui l’entend comme chez celui qui la prononce.
« Les excuses sont indispensables au bon fonctionnement de toutes les relations qui comptent à nos yeux : avec notre famille, notre conjoint, nos enfants et nos collègues. Des excuses médiocres ou l’absence d’excuses mettent ces relations à rude épreuve. Cela peut créer des colères ou des chagrins non exprimés, des conflits, voire une rupture définitive de la relation. » - Harriet Lerner -
L’excuse est un pas essentiel vers le pardon et la réconciliation. Ce n’est pas le seul pas qui doit être posé, le temps ayant aussi un rôle à jouer, mais c’est surtout le premier.
Mais pas si simple de savoir bien s’excuser… Explication.
Les ingrédients et étapes d’une bonne excuse
La psychologue américaine Harriett Lerner nous partage les principaux ingrédients d’une bonne excuse : reconnaissance de la responsabilité, explication de ce qu’il s’est passé, expression de regret, offre de réparation, déclaration de repentance, demande de pardon.
Selon la recherche en Psychologie Positive[1], certains ingrédients sont plus importants que d’autres pour tendre vers le pardon, à savoir : reconnaissance de la responsabilité et offre de réparation. Ce qui apparait curieusement comme le moins important semble être la demande de pardon. Ainsi l’acte d'excuse tend à se suffire à lui-même, il n’a pas forcément besoin de mener au pardon. Nous ne nous excusons pas pour être pardonné. Nous nous excusons pour atténuer les conséquences émotionnelles de l’acte posé.
Ce qu’il faut éviter pour faire une bonne excuse :
- S’excuser trop tôt ou trop tard : l’excuse ne peut pas et ne doit pas être précipitée. Elle demande un processus d’introspection, d’auto-compréhension et d’authenticité. Il faut prendre le temps de le penser sincèrement, sans minimiser l’acte. Elle ne doit pas non plus intervenir trop tard au risque que la relation soit irrémédiablement brisée.
- Le « Oui, mais » : « oui je suis désolée, mais en même temps avoue que tu m’as bien cherché », « désolée d’avoir cassé ton téléphone, mais la prochaine fois range le dans un endroit plus sûr ». Préférez ne pas vous excuser que vous excuser en utilisant le mot « mais ». Comme le dit mon oncle « All before ‘but’ is bullshit ».
- La minimisation de l’effet sur l’autre : « je suis désolée mais qu’est-ce que tu peux être sensible aussi ». Souvenez-vous que dans une même situation, nous ne réagissons pas tous de la même manière car nous n’avons pas le même parcours de vie, la même personnalité, les mêmes besoins, les mêmes humeurs… Chaque émotion est légitime, ne minimisez pas l’émotion de l’autre. Restez concentré sur vos actes, pas ceux de l’autre.
- S’excuser pour demander : « Je suis désolée, est-ce que tu veux bien me pardonner », « je me suis excusée dix fois, je ne vois pas ce que je peux faire de plus, peut-on passer à autre chose maintenant ?! ». Les excuses sont la porte d’entrée du pardon mais elles n’en sont pas obligatoirement liées.
Maintenant que vous savez éviter les pièges, comment construire une excuse authentique ?
Les 4 étapes pour une excuse en bonne et due forme :
- Reconnaissez votre erreur et l’impact négatif que celui-ci a eu : Prenez responsabilité de vos comportements. Cela peut être difficile quand on considère n’avoir rien fait de mal, ou que nos intentions étaient bonnes. Pour cela mettez vous en empathie avec l’autre : Qu’a-t-il pu ressentir, que peut être vous n’auriez pas senti de la même manière ? Qu’avez-vous fait qui a engendré ce ressenti ? Qu’auriez vous pu faire différemment ? Essayez de comprendre comment il se sent. Si vous n’y parvenez pas, c’est qu’il n’est pas encore l’heure de faire des excuses authentiques. Expliquez en détail ce que vous avez fait de mal. Une excuse ne peut pas être vague : « je suis désolée de ce qu’il s’est passé », « excuse moi d’avoir mal agit » ; la puissance de l’excuse se trouve dans les détails « je suis désolée de t’avoir rabaissé dans mes paroles et d’avoir coupé les ponts sans te donner d’explication, je suis désolée de ne pas avoir osé te dire les choses en face par manque de courage ».
- Cherchez le pourquoi : Pour qu’une excuse soit effective vous devez chercher pourquoi ce qu’il s’est passé s’est passé. Il ne s’agit en aucun cas de trouver une justification mais une explication. Si vous dites simplement « je suis désolée, je ne pourrai pas être présent.e à ce moment important pour toi » sans expliquer ce qu’il se joue pour vous, l’autre ne pourra pas recevoir cette excuse avec une intention positive. L’humain a besoin du « why ».
- Dites comment vous vous sentez et mettez-vous en empathie avec ce que votre interlocuteur a ressenti : « Je suis désolée et triste de savoir que mon manque de communication te blesse, te fait te sentir seul et sans valeur. » Osez entrer en vulnérabilité et en culpabilité avec la souffrance que vous avez pu causer chez l’autre.
- Offrez une réparation : Réelle ou symbolique. Cela permet de reconstruire la confiance : « je ferai différemment la prochaine fois », « je ne ferai plus la même erreur », « je vais te racheter un nouveau vase pour remplacer celui que j’ai cassé ». Parfois un simple câlin marche très bien aussi.
L’excuse est le seul moyen (ou en tout cas le premier) de vous libérer de la culpabilité et de la souffrance, et de libérer l’autre de sa douleur. S’excuser c’est se rendre vulnérable. Se rendre vulnérable[2] c’est toucher du doigt notre vraie authenticité.
Lorsque l’on blesse quelqu’un, on se blesse soi-même. S’excuser c’est commencer à réparer, l’autre, mais avant tout soi-même.
Le pardon est l’étape d’après.
Si vous avez des excuses à faire à quelqu’un, c’est le moment... !
- Camille Lamouille -
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[1] Etude de Lewicki, Polin, and Lount (2016)
[2] https://www.camillelamouille-psychologiepositive.com/post-unique/apprivoiser-la-vulnérabilité
Pour aller plus loin :
- https://www.cindyjobs.com/2020/05/19/harriet-lerner-the-nine-ingredients-of-a-good-apology/
- TED conference, Eve Ensler, The profound power of an authentic apology, https://www.ted.com/talks/eve_ensler_the_profound_power_of_an_authentic_apology#t-482596
- Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs, Marshall Rosenberg, ed. La découverte, 2016
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