La joie... racontée par Evelyne Tuau
Entretien sur le thème de la joie avec Evelyne Tuau, coach et facilitatrice au sein du Réseau Elveor. Propos recueillis par Camille Lamouille en juin 2020.
"Je pense que ce capital joie intérieure m’a certainement sauvé la vie à plusieurs occasions, il m’a permis de rebondir et de sortir de situations délicates. Il y a pleins d’options pour alimenter cette étincelle, je crois que c’est la source de la résilience."
- Evelyne Tuau -
Evelyne Tuau : Passionnée par les relations humaines, j'accompagne les personnes et les équipes à développer la coopération, la réussite collective. Je m'appuie sur l'intelligence émotionnelle de chacun pour renforcer la compréhension humaine de ce que nous vivons et créer une réelle ouverture de coeur, une transformation en profondeur générant davantage de joie et d'épanouissement au travail.
Camille Lamouille : Quelle place prend la joie dans ta vie et dans ton travail ?
Evelyne Tuau : Ce qui est important pour moi est que la joie est synonyme de vivant, connecter ce qui est vivant, ce qui cherche à s’exprimer, à se vivre. Ce qui m’anime est d’être en contact avec ce qu’il y a de vivant en moi, chez les autres, en lien avec les émotions qui fluctuent. J’ai cette intention de me relier à ce qui va me remettre en mouvement, et la joie en fait partie. Je crois que c’est quelque chose qui m’appartient. Tout me touche, mais je ne reste pas dans ce qui me tire vers le bas, dans une forme d’inertie. A chaque fois, je me reconnecte à l’espoir et à ce que je peux faire moi pour apaiser et me remettre dans une dynamique positive. C’est un parti-pris en quelque sorte, qui est là en continu. Dans mon travail j’ai à cœur de permettre aux personnes de se reconnecter à cette énergie-là : l’énergie de vie. Quand parfois je perds l’envie, je me dis toujours « comment me reconnecter à ce qui m’anime ». Je crois que c’est être consciente de ce qu’il se passe dans mon intérieur et inviter les personnes avec qui je travaille à connecter ce qui est important pour eux, vital, essentiel, le prendre en compte et se remettre dans une énergie positive.
Camille : Comment s’exprime-t-elle ? Sous quelle forme ?
Evelyne Tuau : En proposant des modalités qui permettent au niveau individuel et collectif d’être conscient de ce qu’il se passe intérieurement pour chacun, dans la relation. Vraiment, mon moteur est de développer la conscience, la conscience de soi, des autres, de ce qui se joue. Pour cela, je propose de passer par l’expérience : « vivre les choses », être dans le moment présent. Ça peut passer par des activités ludiques, décalées par rapport aux préoccupations professionnelles pour permettre aux personnes de se reconnecter à l’enfant intérieur, lâcher le mental, être plus dans le corps et le côté émotionnel : le vivant. Et puis vivre des choses ensemble ; partager, voir comment c’est stimulant de faire avec les autres, s’ouvrir l’esprit dans une notion de jeux, même si parfois c’est sérieux, c’est un jeu, découvrir, se découvrir au travers du jeu.
Ça passe aussi par l’écoute de ce que les uns et les autres sont et expriment, développer
la bienveillance, la considération pour ce que les gens vivent. Ça me semble être une vraie clé pour accompagner vers la joie, vers plus de bonheur, et plus de vie. L’écoute permet à la personne d’être reconnue dans ce qu’elle vit, développer l’empathie, l’humanité. Une fois que cela est reconnu, il y a une qualité de lien qui se crée, ça permet à la personne de boucler la situation un peu difficile et de se reconnecter à quelque chose de plus joyeux. C’est comme « un arrêt sur image », une pause pour regarder, observer, accepter puis se remettre en mouvement, et la joie revient, elle était là, elle est toujours là, comme le soleil derrière les nuages. Quand on est dans des émotions lourdes, on est statiques, un peu anesthésiés, même s’il y a des sensations fortes à l’intérieur ; et le fait de reconnecter le positif, la joie, la vie se remet en mouvement, vers plus d’ouverture. Quand les gens sont en difficulté l’écoute, l’empathie, la bienveillance permettent de traverser quelque chose pour passer à autre chose. Je crois qu’il s’agit d’une attitude d’Amour.
Au départ, je suis quelqu’un de cérébral avec une valeur cognitive forte, j’ai une formation scientifique, j’analyse. Et petit à petit, j’ai expérimenté qu’être au contact du corps et du mouvement, c’est ce qui m’a permis de redémarrer vers quelque chose de plus ouvert, de plus lumineux, de plus joyeux. C’est ce que j’ai envie de transmettre. Le yoga est de mon point de vue, une excellente pratique : corps et mouvement.
Camille : Que penses-tu de la place de la joie au travail et en entreprise ?
Evelyne Tuau : J’ai du mal à imaginer de travailler sans joie, sans cet élan de vie qui m’anime, ce qui n’empêche pas d’avoir à fournir des efforts. D’ailleurs dans la première partie de ma vie où je faisais un job qui me plaisait mais dans un environnement contraignant et négatif, avec un patron très autoritaire, on travaillait de plus sur un sujet lourd (étude des cellules cancéreuses dans les organes post-opératoires), je proposais des changements pour améliorer nos conditions de travail, j’avais envie de plaisanter, d’amener quelque chose de plus léger. A un moment donné je me suis dit « si je reste là, je vais déprimer ». Je sens combien j’ai besoin de trouver des choses joyeuses, agréables, motivantes quand je démarre une activité. Je le vois aussi dans mon environnement : je constate que lorsque les gens ont de la joie à faire ce qu’ils font, ils s’engagent, ils sont créatifs, ils ont de l’énergie, c’est productif, et on avance beaucoup plus vite. Mon moteur est trouver du plaisir, de la joie dans ce que je partage. En étant joyeuse moi-même je contamine autour de moi, et voir les autres joyeux, c’est dire vivant, est ma principale récompense.
Camille : Selon toi, quels sont les ingrédients pour cultiver la joie dans les groupes ?
Evelyne Tuau : Pour les ingrédients il y a la confiance, la bienveillance, l’ouverture d’esprit, l’humanité. Reconnecter l’enfant intérieur aussi. S’encourager, se féliciter, célébrer. Proposer des moments informels pour nourrir la relation. Surtout se donner des permissions pour envisager tout ce qui est possible. Ça parle d’ouverture du cœur aussi. Quand on ouvre les émotions positives et le cœur, on ouvre notre esprit. Peut-être aussi davantage fonctionner avec le cerveau droit pour ne pas s’enfermer dans des modèles existants. Se reconnecter à ses qualités, ses forces, et renforcer la confiance en soi : comment je peux être fier de ce que je suis au-delà de ce que je fais ou ne fais pas, me reconnaître et reconnaître les autres tels que nous sommes.
Le fait d’avoir confiance en soi et confiance dans les autres va permettre d’oser exprimer les choses, dire, affirmer en sachant que tu ne vas pas être jugé. Cela nécessite une confiance partagée. Personnellement, si je n’ai pas cette confiance et cette bienveillance je me sens inerte. Je me dis personnellement que tant qu’on est vivant, le reste n’est pas si grave que ça. Peut-être parce que j’ai été confrontée à la mort tôt dans ma vie, cela m’aide à dédramatiser. J’avais des parents pessimistes, qui voyaient toujours le verre à moitié vide et pour qui c’était toujours difficile, compliqué, j’ai opté pour le pôle inverse, j’ai déployé beaucoup d’énergie pour aller voir l’autre côté, ce qui était possible. Aujourd’hui, je reconnais que cette énergie « d’exploratrice » m’a été fort utile.
Camille : En quoi ton métier contribue à la diffusion de la joie chez les individus, les groupes, les organisations ?
Dans mon métier, mon premier job est de donner de l’attention aux personnes, d’être présente, pour leur permettre de se reconnecter à eux-mêmes. Voir ce qu’il y a de positif dans ce qu’ils font, quelles sont leurs forces, leurs potentiels. J’ai cette capacité quand les gens me racontent quelque chose à extraire le positif et à les encourager à développer ce qu’ils aiment. Ce que je dis souvent est si vous ne pouvez pas trouver du plaisir dans votre travail, comment à côté, pouvez-vous vous autoriser à faire des choses qui vous font plaisir pour vous ressourcer. Le travail sur les émotions, la communication non violente, permet de faire cheminer les personnes vers une connexion à leurs véritables besoins et ensuite de prendre la responsabilité de nourrir ces besoins. Il s’agit de prendre responsabilité de sa vie, reprendre son propre pouvoir, ne pas attendre de l’extérieur que les choses s’arrangent, que ça se passe mieux, se poser la question : comment moi je peux prendre responsabilité de ce qu’il se passe pour moi et œuvrer pour retrouver de la joie ?
Notre métier d’accompagnement est vraiment propice à ça. En coaching, le but du jeu c’est d’amener la personne à (re)contacter ses ressources, à « s’aimer telle qu’elle est » d’une certaine façon et à se révéler. Dans les animations de groupe, d’équipe, il s’agit également de faciliter le partage, l’expression, l’interconnaissance, remettre de la vie.
Camille : Comment génères-tu la joie dans les groupes que tu accompagnes ?
Ce que j’aime bien, c’est proposer des jeux collectifs pour voir ce qu’il se passe dans la
relation, et comment la relation est source de régénération, de compréhension réciproque, les gens ont besoin de faire des choses ensemble. La vie ne se pense pas, elle se vit. Dans l’équipe Elveor, plus nous faisons de choses ensemble plus c’est chouette, plus ça nous ressource et nous permet de nous dépasser. Pour moi se dépasser est une source de joie.
Utiliser, proposer des situations décalées permet de découvrir, de fonctionner autrement et de ne pas être toujours sur le même rail : faire bouger nos habitudes, nos certitudes. Avoir des expériences différentes du quotidien, quand je connais la situation, j’arrive avec des a priori : « je sais ». Quand je ne connais pas, je vis l’expérience plus facilement et je peux ouvrir mon esprit à autre chose, à d’autres options.
Dans mes animations ce que j’aime est faire vivre quelque chose aux participants individuellement et collectivement. Qu’ils puissent partir de ce qu’ils vivent, de leur expérience, plutôt que de ce qu’ils pensent. Je me souviens à l’école, on nous interrogeait essentiellement sur ce que l’on pensait et pas sur ce que l’on vivait. Finalement ce qui est important c’est ce que l’on vit.
Camille : Te considères-tu comme une personne joyeuse ? En quoi ?
C’est rigolo car après notre échange oui je pense que j’ai un capital joie qui est présent, qui
ne s’est jamais éteint quoiqu’il se passe. Peut-être aimerais-je le manifester davantage, l’exprimer plus. Finalement je m’autorise peut-être plus à être joyeuse dans mon boulot que dans ma vie… je reconnecte aussi facilement ma joie quand je suis avec des enfants, je me reconnecte à l’enfant intérieur. Je pense que ce capital joie intérieure m’a certainement sauvé la vie à plusieurs occasions, il m’a permis de rebondir et sortir de situations délicates. Il y a pleins d’options pour alimenter cette étincelle, je crois que c’est la source de la résilience.
Merci à Evelyne Tuau pour ce touchant et joyeux témoignage.
- Camille Lamouille -
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