Au commencement était le verbe

« Le Verbe, la Vérité, la Vie. » N. Schilfarth
Ces mots, partagés par mon superviseur, résonnent en moi comme une évidence. J’ai toujours ressenti ce besoin viscéral de poser des mots sur ce que je vis, ce que je ressens, ce qui me questionne. C’est ma façon de traverser le monde.
J’en ai pris pleinement conscience lors d’un séminaire de formation de 12 jours auquel j’ai participé. Une participante, sans signe avant-coureur, a annoncé son départ juste avant la certification. Trois minutes plus tard, elle avait disparu. Aucun processus de clôture proposé pour lui dire au revoir de la bonne manière. Absence de mots.
Les mots sont de formidables architectes de sens. Ils peuvent réparer ou blesser, clore un chapitre ou le laisser en suspens. Bien employés, ils donnent du sens à ce qui a été vécu, marquent une fin et ouvrent une nouvelle page. À l’inverse, leur absence laisse des silences pesants, des ruptures incomplètes, des boucles inachevées qui continuent de nous habiter.
En entreprise, dans un groupe ou dans nos vies personnelles, savoir clôturer avec des mots, c’est permettre une transition fluide et éviter ces traces invisibles qui influencent nos émotions et nos comportements futurs.
Pourquoi avons-nous besoin de nommer les fins ?

« Ce qui n’est pas dit n’existe pas »
Elisabeth Kübler-Ross, connue pour avoir théorisé la courbe du deuil, a identifié trois grands regrets des personnes en fin de vie :
- Ne pas avoir aimé assez
- Ne pas s’être pleinement accompli
- Avoir laissé des situations inachevées
Lorsque quelque chose s’achève, notre esprit cherche à donner du sens.
Une rupture sans explication, un départ sans reconnaissance, un projet avorté sans bilan laissent une trace d’inachevé, comme un livre dont il manquerait les dernières pages.
Nommer la fin, c’est offrir une conclusion à l’histoire. Les mots facilitent l’acceptation, soulagent la rumination, donnent un poids à ce qui a été vécu.
En Gestalt-thérapie, on parle de « gestalt inachevée », ces boucles ouvertes qui hantent notre inconscient. Une expérience non digérée, une conversation jamais eue, une fin qu’on n’a pas su marquer peuvent nous retenir sans qu’on le sache. Fermer la boucle, c’est s’autoriser à avancer.
Rituels de clôture : donner du sens à la fin

Un collaborateur quitte l’équipe, un projet s’achève, une réorganisation se met en place, un apprenti termine sa mission... Chaque fin est une occasion de poser une pierre sur le chemin, au lieu de laisser une faille.
Quelques rituels pour marquer la transition :
Le feedback de fin : un bilan collectif pour partager apprentissages, succès et axes d’amélioration.
Le tour de clôture : chacun partage un mot, une émotion, une phrase-clé.
Le « Merci, Pardon, Au revoir » : inspiré des soins palliatifs, pour exprimer gratitude, pardon et adieu.
La chaise chaude : en cercle, chacun exprime à la personne qui part ce qu’il retient d’elle.
Offrir une trace écrite : un carnet collectif de souvenirs et de messages.
Parfois, les mots ne peuvent être dits face à face. Parce que l’autre n’est pas là, ou pas prêt à écouter. Parce qu’il est trop tard. Parce que l’instant ne s’y prête pas.
Dans ce cas, l’écriture devient une alliée :
Le carnet de clôture : récapituler les moments forts d’un projet ou d’une relation, en mots et en images.
Le protocole du remembering (provenant des Pratiques Narratives) : se poser les bonnes questions pour honorer ce qui a été vécu :
- Qu’est-ce que cette personne a apporté à ma vie ?
- Qu’est-ce que cette personne apprécie chez moi ?
- En quoi cela a changé sa vie d’avoir croisé ma route ?
- Quel aspect de son identité a-t-elle découverte grâce à moi ?
Ce qui est nommé peut être transformé
Le langage a ce pouvoir unique : il ne laisse pas l’absence en suspens, il la transforme en présence passée.
On dit que tout ce qui n’est pas exprimer est imprimé… en nous.
Dire au revoir, ce n’est pas juste clore. C’est reconnaître, honorer et rendre signifiant ce qui a été partagé. C’est poser une virgule plutôt qu’un vide.
Au commencement était le Verbe... et à la fin aussi.
Et vous, quelle fin avez-vous besoin de nommer ?

- Camille Lamouille -
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